« La libération animale » de Peter Singer chez Payot

En 1975, un professeur d’université australien, Peter Singer, actuellement professeur de bioéthique à l’Université de Princeton (USA), publiait un livre intitulé : « Animal Liberation: A New Ethics for Our Treatment of Animals », traduit quelques années plus tard pour le public francophone sous le titre de « La Libération animale ».

Le succès fut immédiat, quel que soit le pays où il fut lu, et ne cesse depuis plus de 40 ans, porté par les mouvements associatifs, les réseaux sociaux et les nombreux ouvrages consacrés à la maltraitance animale, dont le best-seller « Eating animals » ( » Faut-il manger les animaux ? « ) du romancier américain Jonathan Safran Foer. Tout récemment, le formidable roman de Jean-Baptiste del Amo, « Règne animal », publié par Gallimard, nous rappelait ce qu’est la malheureuse condition des animaux de boucherie.

Peter Singer a eu des inspirateurs, en particulier Jeremy Bentham, penseur anglais du XVIIIè siècle qui dès 1789 s’est intéressé aux animaux et à leur statut en posant ainsi le problème : « La question n’est pas : peuvent-ils raisonner, peuvent-ils parler, mais peuvent-ils souffrir ? ». Jean-Jacques Rousseau, lui aussi, dans son« Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes », désignait aussi bien l’animal que l’homme comme « être sensible, qualité qui, étant commune à la bête et à l’homme, doit au moins donner à l’une le droit de n’être point maltraitée inutilement par l’autre ».

« Chacun compte pour un et nul ne compte pour plus d’un » affirmait Bentham dans son principe d’égalité. Peter Singer en fait aussi sa doctrine : « Si le fait pour un humain de posséder un degré d’intelligence plus élevé qu’un autre ne justifie pas qu’il se serve de cet autre comme moyen pour ses fins, comment cela pourrait-il justifier qu’un humain exploite des êtres non-humains ? ». D’où le refus, étendu aux animaux, de toute forme d’asservissement et de souffrance, comme le sont les combats contre le racisme ou le sexisme, selon Peter Singer qui précise : « Les racistes violent le principe d’égalité en accordant plus de poids aux intérêts des membres de leur propre race, quand ces intérêts sont en conflit avec ceux des membres d’une autre race. De même les « spécistes » [ceux qui distinguent et ostracisent selon l’espèce] permettent aux intérêts des membres de leur propre espèce de l’emporter face à des intérêts supérieurs des membres d’autres espèces […]. Je soutiens qu’il ne peut y avoir aucune raison, hormis le désir égoïste de préserver les privilèges du groupe exploiteur, de refuser d’étendre le principe fondamental d’égalité de considération des intérêts aux membres des autres espèces ».
Fidèle à Bentham, Peter Singer estime lui aussi que c’est la douleur de l’animal, avant tout, qui doit nous préoccuper et qu’il faut, en toute logique, respecter aussi la vie des animaux non humains, quel que soit leur niveau d’intelligence et de conscience.

Pour illustrer son propos théorique, Singer fait dans « La Libération animale » de longues et glaçantes descriptions des pratiques dans les laboratoires de recherche agro-alimentaire, dans les « fermes-usines » d’élevage industriel, ou les abattoirs dont les aléatoires techniques d’abattage peuvent tourner au carnage.

Dans le prolongement de sa pensée, Peter Singer aborde aussi les régimes alimentaires et le végétarisme dont il est devenu un adepte : « Il n’est pas possible dans la pratique d’élever les animaux pour la consommation sur une grande échelle sans leur infliger une quantité considérable de souffrance […]. Devenir végétarien n’est pas seulement un geste symbolique, c’est un geste hautement pratique et efficace que l’on peut faire pour contribuer à mettre fin tant à la mort qu’à la souffrance que l’on inflige aux animaux non humains ».

Dans « La Libération animale », Peter Singer s’attache également à faire un historique de l’évolution du sort de l’animal, depuis les textes bibliques jusqu’à nos jours. Et nous rappelle, en fin d’ouvrage, les principes d’égalité et d’humanité essentiels, selon lui, à la survie de toutes les espèces, et de la Terre en général : « Les humains ont le pouvoir de continuer à opprimer les autres espèces soit indéfiniment, soit jusqu’au jour où nous aurons rendu cette planète inhabitable pour les êtres vivants. Ou au contraire nous élèverons-nous à la hauteur du défi et prouverons-nous notre capacité à l’altruisme authentique en mettant fin à notre impitoyable exploitation des espèces en notre pouvoir parce que nous aurons admis que notre position est indéfendable ? ».

Le texte de Peter Singer reste plus que jamais d’une brûlante actualité. Et il est d’autant plus passionnant à lire qu’il est porté par un style très accessible. Ceci explique aussi son fort impact et sa large diffusion mondiale.

A noter la publication toute récente aux « Presses Universitaires de Rennes » d’un recueil de communications faites au colloque organisé en 2015 par Emilie Dardenne, de l’Université de Rennes 2, sous le titre « La Libération animale 40 ans après ».

Par JB

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